24 hours of spa

Total 24 heures de Spa : retour sur la course avec Karim Ojjeh

À noter : se souvenir des expériences passées

On peut dire que la semaine, et plus particulièrement la 69e édition des 24h de Spa, fût remplie d’expériences – du moins de ce que j’ai pu voir. En toute honnêteté, j’ai quelque peu régressé ce week-end alors que mes temps de courses n’étaient pas ceux espérés, mais quelle expérience ce fût – ma première participation à la course Spa de nuit, la première fois que j’ai eu une alerte de pneus qui s’est avérée être une perforation, la première fois que j’ai dû franchir Eau Rouge au beau milieu de la nuit et la première fois que j’ai tenté désespérément de redémarrer la voiture pour finalement revenir aux stands. Je n’arrive toujours pas à croire que j’ai vécu tant d’expériences en une seule course !

Session Bronze : tout commençait bien, je reprenais le rythme jusqu’au tête à queue à Les Combles qui m’a envoyé dans les barrières pneumatiques. L’avant de la voiture était endommagé, mais j’ai pu revenir sur la piste. Cependant, toute la session bronze était perdue, et mon copilote n’a pas pu conduire. Que s’est-il passé ? J’ai tenté de freiner mais trop tard, 12-13 mètres. Tout allait bien jusqu’à ce que j’atteigne le sommet, à la moitié du virage. Je roulais bien trop vite et la voiture a vrillé. Il faut que vous compreniez que conduire, et plus particulièrement une voiture de course, est une question de transfert de poids. Prenez votre main et levez la directement devant vos yeux. Maintenant imaginez que votre main est la voiture. Vous freinez, que se passe-t-il ? Le poids avance vers l’avant. Maintenant imaginez, tenez votre main bien droite et pointez vos doigts vers le bas – maintenant l’avant de votre voiture se dirige vers le bas et l’arrière de la voiture est dans les airs (ce qui correspond à la dynamique du freinage). Maintenant imaginez-vous tourner la voiture à ce moment précis, imaginez vos doigts vers le bas alors que la main tourne. Que se passe-t-il ? Si vous n’y mettez pas un peu de gaz, ce qui rabaissera l’arrière de la voiture (donc maintenant l’arrière de votre main devrait se rabaisser) ou si vous ne contrebraquez pas, la voiture pivote ! C’est bien sympa de lire tout ça, mais en situation réelle en course, tout cela arrive en une fraction de seconde !

Entraînement libre : ce fut une perte de temps, puisqu’un capteur moteur n’a cessé de couper le contact, prenant des heures à être identifié. Le choc de la session Bronze l’avait sans doute endommagé.

Pré-qualifications : tout s’est bien passé, tous les autres pilotes ont pu conduire la voiture.

Qualifications : nous avons parcouru cette session comme un entraînement libre. Tous les conducteurs ont fait le job.

Course : La course a débuté et il a fallu moins de 2 minutes avant qu’un Full Course Yellow (FCY) ne soit déployé par le directeur de la course pour une Ferrari coincée dans les graviers. Une FCY nécessite que toutes les voitures limitent leur vitesse à 80km/h. Après 3heures 5, 2 FCY et une voiture de sécurité avaient été déployés. J’étais alors quatrième. Malheureusement, après trois tours une alerte s’est déclenchée depuis mon pneu arrière gauche. J’ai cru à une erreur. Il y’a eu une erreur de communication, et je suis arrivé avec un tour de circuit en trop avec un pneu perforé. J’ai pu revenir au stand, mais la voiture était endommagée et nous avons perdu 5 tours à la réparer. Puis je me suis remis en piste. Il était 22h30 au moment où je terminais mon premier passage. Je me suis douché, je me suis fait masser, et je suis allé me coucher avant d’être réveillé à 1h30 du matin pour mon second passage. Malheureusement, mon co-pilote avait fait tout son passage avec la voiture de sécurité (encore !) et il a été décidé de remettre du carburant et de le renvoyer. Donc c’est près d’une heure plus tard que je grimpais à nouveau dans la voiture, vers 2h30 du matin. L’équipe m’avait prévenu que le levier de vitesse avait été cassé et m’avait demandé de suivre quelques procédures. Malheureusement, j’ai tenté de démarrer la voiture, mais des problèmes sont apparus. J’étais situé à la fin de la ligne de stand et il était trop tard pour s’arrêter là. J’ai grimpé Eau Rouge à 23 km/h alors que les voitures me passaient devant à toute vitesse. Et tout d’un coup j’ai perdu de la puissance avant de devenir une proie facile au sommet d’Eau Rouge, sans feux, les voitures me dépassant à 230km/h. J’espérais qu’aucune voiture ne me percuterait. J’essayais désespérément de redémarrer la voiture, en utilisant différents moyens – couper l’alimentation principale, rebooter…etc. Mais rien n’a fonctionné. J’étais coincé dans le premier virage et je ne pouvais tout simplement rien faire. Finalement les marshals sont venus et ont utilisé un camion pour me remorquer. Ce qui n’a pas bien fonctionné. Comme le levier était cassé et que la voiture était coincée dans le premier virage, le crochet de la voiture s’est brisé. J’ai appelé mon ingénieur, qui m’a expliqué plusieurs procédures utilisant le bouton AGS (système de vitesse auxiliaire) pour remettre la voiture en mode neutre. L’AGS est une façon de contourner l’ECU de la voiture (un logiciel) pour passer les vitesses manuellement. L’objectif était de pouvoir au moins mettre la voiture sur neutre pour que les marshalls puissent la déplacer. Après quelques essais, nous y sommes parvenus. J’ai ensuite essayé d’engager la première vitesse pour revenir aux stands. Ce qui n’a pas fonctionné. J’ai essayé encore et encore, essayant désespérément de faire bouger la voiture. Puis j’ai décidé de laisser l’AGS, quelque chose que nous ne sommes pas autorisés à faire. Mais j’ai cru devoir essayer quelque chose de nouveau. J’ai donc laissé l’AGS, passé la première vitesse et essayé de tourner la voiture. CA A FONCTIONNÉ ! J’ai fait savoir au team que j’étais sur le chemin des stands. Une fois au box, la voiture a pu être réparée et l’équipe a pris le temps de changer les blocs de freins – une procédure obligatoire selon les nouvelles règles. Puis je suis ressorti, mais j’ai à nouveau été bloqué par un FCY, une voiture ayant heurté le mur au sommet d’Eau Rouge. Depuis le nouveau départ j’ai effectué mon tour correctement jusqu’à la fin de mon passage. Changement de conducteur. Douche, massage et retour au lit. Il étaot 4h45 du matin et je devais être de retour dans la voiture à 7h45 ! A 8 heures j’ai été réveillé par le manager du team et co-propriétaire, qui m’a informé que nous avions abandonné suite au levier cassé. C’était la fin. J’ai dormi jusqu’à 9h. Je me suis levée, j’ai fais mes valises, dit au revoir et quitté le circuit.

Nous avons pu participer 14heures. Notre prochaine et dernière course sera à Nurburgring le troisième week-end de septembre. La saison arrive doucement à sa fin.

Karim A. Ojjeh